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les cruautés de l’amour

et que la première pierre de ma maison n’est pas posée ? Je risque de dormir cette nuit encore à la belle étoile.

— Oh ! m’écriai-je en tirant un louis de ma poche, n’oublions pas de mettre une pièce de monnaie sous la première pierre.

Milady appuya l’échelle contre l’arbre et voulut monter pour éprouver notre ouvrage. Il résista et fonctionna très-bien à notre grand étonnement.

— À présent, il faut couper toutes les branches inutiles qui encombrent mon appartement, dit milady.

Armés, l’un de la hache, l’autre du couteau, nous montâmes dans l’arbre, et nous nous mîmes à abattre et à tailler à qui mieux mieux. Puis, il fallut séparer le radeau en deux, ce qui nous donna beaucoup de mal, mais enfin, nous en vînmes à bout ; et le parquet fut élevé et posé dans l’arbre. Les planches étaient trop longues ; j’eus l’idée d’y faire des entailles, afin que les branches pussent s’y emboîter. Cela nous prit très-longtemps, mais donna une grande solidité à la construction. Le soleil atteignait l’horizon lorsque le plancher fut terminé. Nous étions brisés de fatigue, et il fallut renoncer à poser la toiture ce jour-là. Milady se consola en voyant l’abri naturel que formaient les branches et les feuilles de son arbre. Nous dînâ-