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les cruautés de l’amour

j’ai perdue. J’ai rendu quelques services à Ivan, et ce n’est pas un ingrat : il se mettrait au feu pour moi.

— Plus vite ! ces chevaux ne marchent pas, dit Clélia, qui regardait en arrière comme si elle eût craint d’être suivie.

Pavel communiqua à l’attelage une impétuosité plus grande encore, ce qui ne semblait pas possible.

On eut bientôt franchi l’immense plaine et le traîneau longea sans ralentir sa course la lisière d’un bois de pins.

Les arbres se dressèrent d’abord d’un seul côté du chemin, puis quelques-uns s’alignèrent de l’autre côté, mais clair-semés, peu nombreux. Ils avaient l’air de grands spectres soulevant des draperies blanches.

Un chien aboya dans le lointain.

— Nous sommes signalés, dit Pavel.

Le bois de pins se reculait un peu du bord de la route et quelques chaumières à demi ensevelies sous la neige commençaient à apparaître. Dans la pénombre, on les distinguait à peine ; elles semblaient être seulement des mouvements du terrain.

Pavel lança brusquement son attelage à droite et longea un instant une palissade de rotins.