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les cruautés de l’amour

mais vous n’auriez qu’à me refuser… dit Clélia en le regardant en dessous.

— Moi, lui refuser quelque chose ! dit-il en levant les yeux au ciel.

— Eh bien, voici : je désire acquérir une de vos propriétés.

— N’est-ce que cela ! s’écria Penoutchkine. Elle est à vous. Laquelle est-ce ?

— La ferme où nous nous sommes rencontrés dernièrement. Consentez-vous à me la vendre ?

— Sans aucun doute.

— Mais, avec la ferme, ceux qui l’habitent ?

— Quel singulier caprice ! dit Penoutchkine avec un léger mouvement de contrariété.

— Un caprice, en effet. Je veux que rien ne soit changé dans cette demeure, que pas un meuble ne soit dérangé, que les mêmes visages apparaissent sur le seuil. Peut-être est-ce pour retrouver plus tard, dans toute leur fraîcheur, des souvenirs qui me sont chers, ajouta-t-elle en lui jetant un séduisant regard.

— Ah ! vous êtes adorable, s’écria Penoutchkine qui saisit la main de Clélia et la porta à ses lèvres.

— Alors, c’est convenu, nous signerons demain l’acte de vente.

— Je suis votre esclave, dit Penoutchkine au comble du bonheur.