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les cruautés de l’amour

— Ensemble !

Elle le fit asseoir sur un fauteuil en jonc tressé et s’assit près de lui.

— André, dit-elle après un instant de silence, regarde dans mes yeux et dis-moi ce que tu y vois.

Le jeune homme leva les yeux vers elle.

— Je vois que dans votre bonté infinie vous êtes heureuse de ma guérison.

— Ne vois-tu rien de plus ? dit-elle en lui prenant les mains. Moi, je sais mieux lire dans ton regard, j’y vois ton amour rayonner, j’y vois aussi depuis quelques jours une sombre tristesse, dont je connais bien la cause et que j’effacerai d’un mot. Ne le devines-tu pas, ce mot ?

— Ah ! ne me regardez pas avec tant de douceur, ma raison m’échappe, épargnez-moi, murmura André en détournant la tête.

— Tu ne comprends donc pas que je t’aime ! s’écria la jeune fille.

— Vous m’aimez ?

— Oui, autant que tu m’aimes et je sais ce que vaut ton amour. Il n’en est pas de plus ardent, de plus dévoué, de plus pur. J’ai été cruelle, criminelle même, j’ai joué avec un cœur comme le tien, tu t’es vengé en voulant mourir, et j’ai souffert plus que toi peut-être ; mais je bénis ma souffrance, elle m’a