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le second rang du collier

— Ne trouveriez-vous pas agréable, cher ami, de prendre un bain, en ma compagnie ?

— Comment donc ! s’écria Banville sans vouloir paraître surpris le moins du monde, j’allais vous le proposer.

Et il entra, résolument, dans le premier établissement qui se présenta, en demandant une chambre à deux baignoires.

Quand ils furent tous deux immergés dans l’eau tiède, Baudelaire, de son air le plus doucereusement perfide, dit à Banville :

— Maintenant que vous êtes sans défense, mon cher confrère, je vais vous lire une tragédie en cinq actes !…

J’avais surpris, aussi, le récit d’une autre anecdote, pas trop convenable, dont je ne pouvais m’empêcher de rire, chaque fois que j’y repensais.

Baudelaire, dans une tenue de parfait gentleman, entrait chez un pharmacien, le saluait, et, du ton le plus poli, lui disait :

— Monsieur l’apothicaire, voulez-vous avoir l’obligeance de m’administrer un clystère ?…

On ne dit pas comment était accueillie cette singulière exigence, ni si le client était servi. Baudelaire affirmait que les apothicaires, même sous le nom de pharmaciens de 1re classe, étaient tenus d’obéir à cette injonction, que c’était une des charges de leur état, et que, ce que lui en faisait, se dévouant au ridicule, c’était surtout pour ne pas