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le second rang du collier

l’affreux éventrement des chevaux ; mais nous n’étions pas convaincues et nous nous efforcions de le détourner de cette passion sanguinaire.

Ce n’était pas seulement, d’ailleurs, en mémoire d’un combat particulièrement dramatique qu’il gardait ainsi les dépouilles du taureau : à son idée, ces belles cornes, pendues chez lui, préservaient toute la maisonnée du mauvais œil, qu’il redoutait extrêmement et dont il avait décrit le funeste pouvoir dans son roman, Jettatura.

Il avait toutes les superstitions : il croyait au 13, au vendredi, au sel renversé… Il se figurait l’homme, environné de forces inconnues, de courants, d’influences, bonnes ou mauvaises, qu’il fallait utiliser ou éviter ; il pensait aussi, que des êtres, s’échappait un rayonnement, qui heurtait ou caressait le rayonnement d’autres êtres et qui était cause d’antipathie ou de sympathie. Quelques-uns avaient un rayonnement plus puissant, portant bonheur ou malheur. Longtemps Théophile Gautier serra ses pièces d’or dans une petite bourse rouge, faite d’un morceau de gilet de flanelle, qui venait d’une personne chanceuse et qui attirait l’argent.

Je crois bien qu’au fond de sa pensée il y avait autre chose qu’une instinctive superstition. Il était persuadé qu’il faut tenir compte des impressions, qui agissent sur le moral et, par contre-coup, dépriment ou exaltent la force de l’homme. Une présence hostile, dans une salle de spectacle, peut