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le second rang du collier

de chambre alsacienne, nous rejoignit bientôt ; elle portait avec la plus grande sollicitude et toutes sortes de précautions, don Pierrot de Navarre, l’angora blanc chéri de tous, enfermé dans un panier.

Le véhicule pesant gagna les boulevards, grimpa, sans hâte, l’avenue des Champs-Élysées, atteignit enfin l’avenue de Neuilly, où il se traîna. Don Pierrot, qui en était à son premier voyage, disait son angoisse en quelques miaulements plaintifs, et le cocher se retournait vers nous pour demander d’une voix enrouée où était la rue de Longchamp.

— C’est la dernière à gauche, avant le pont de Neuilly ! criait ma mère.

Ma sœur et moi nous n’avions pas vu la maison, nous ne savions pas où nous allions ; mais nous étions bien amusées par la nouveauté. Cette avenue, si large, si longue et si déserte, nous paraissait imposante.

Enfin la voiture tourna ; le point de vue changea brusquement et d’une façon peu agréable ; le cocher retint ses chevaux, qui trébuchaient, sur une pente raide, dont les pavés inégaux nous cahotèrent violemment : on s’engageait dans une rue étroite, entre des maisons basses, noires et sordides, hors desquelles le bruit, peu habituel, d’une voiture fit surgir des femmes en camisole et une nombreuse marmaille ébahie.

Mais bientôt ce pâté de maisons ouvrières fut