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le second rang du collier

debout, comme moi, et tournant aussi le dos à ses compagnons. Il avait le teint uni et bronzé, les yeux et les cheveux très noirs : je pensai qu’il devait être marseillais. Quand il fut plus près, je vis qu’il portait la rosette d’officier de la Légion d’honneur.

Au moment où les deux embarcations se croisèrent, cet inconnu, du bout des doigts, m’envoya un baiser. Je me détournai avec indignation ; mais aussitôt j’entendis des cris de surprise, des exclamations joyeuses, et la barque, virant de bord, vint accoster la nôtre. Un de ces promeneurs connaissait mon père, et, tout heureux de le rencontrer, ne voulait pas manquer l’occasion de le saluer et de renouer des relations interrompues. C’était un journaliste fameux, le roi des reporters : Dardenne de la Grangerie, personnage d’une belle et aimable figure, mais d’une grosseur presque invraisemblable. Mon père avait fait, grâce à lui, la connaissance de Claudius Popelin et lui en gardait de la gratitude, car il sympathisait entièrement avec le maître émailleur, érudit et lettré.

Sur un ton solennel et d’une emphase volontairement exagérée, Dardenne de la Grangerie présenta le monsieur décoré :

— Son Excellence le général Mohsin-Khan, chargé, par sa Majesté le Shah de Perse, d’une mission extraordinaire.

Puis il présenta un autre Persan, grand, mince,