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le second rang du collier

tout une partie de son état d’âme qu’elle avait jusque-là tenue secrète. Elle s’occupait de spiritisme, de tables tournantes, d’occultisme et de magnétisme !… C’était là sa vie inconnue, sa passion cachée. Elle était affiliée à toutes sortes de Sociétés singulières, à des êtres inspirés, qui fréquentaient chez les esprits et ne voyaient que le monde invisible.

Honorine ne put s’empêcher de parler à ses amis du jeune sujet qu’elle avait en sa puissance, ni résister au désir de me présenter à eux. Ma sœur et moi, nous fûmes alors adroitement initiées aux mystères du spiritisme, et incitées à ne pas parler à nos parents du grand honneur qu’elle voulait bien nous faire, de nous présenter à l’un des maîtres les plus fameux.

Ce maître était un personnage très cocasse, qu’on appelait le comte d’Ourch. Court, trapu, avec une petite tête ronde où floconnaient des cheveux et des favoris jaunes pâles mêlés de blancs, il avait un air à la fois jovial et inquiet ; il s’agitait, se retournait, riait sans cause apparente ; en vous parlant il semblait écouter d’autres interlocuteurs, quelquefois s’interrompait au milieu d’une phrase et s’enfuyait.

Chez lui, on butait toujours contre deux lévriers couchés de tout leur long sur le parquet, qui se laissaient marcher dessus plutôt que de se déranger, et tenaient une place énorme.