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le second rang du collier

— On ne demande pas à un condamné de se faire guillotiner avant l’heure !

Les « mille pas », le long de la terrasse, étaient supprimés. Nous conduisions le père jusqu’à l’omnibus, et il s’en allait analyser, dans son style parfait, les péripéties du Serpent à plumes, de la Grève des Portiers, de Vermouth et Adélaïde et autres chefs-d’œuvre oubliés.



Un jour, Nono, que nous n’avions pas vu depuis longtemps, vint à Neuilly, et il nous raconta une aventure qui lui était arrivée, quelques mois auparavant. Un être extraordinaire l’avait abordé dans la rue en lui demandant un renseignement, dans un langage incompréhensible. Cet être, assez petit, avait une bizarre figure jaune, avec des yeux bridés, qui faisait l’effet le plus drôle du monde sous un vieux chapeau haut de forme trop large et qui lui entrait jusqu’aux oreilles ; il portait un paletot râpé et des souliers éculés, rattachés par des ficelles.

Malgré ce triste déguisement, qui le rendait hideux, son type trahissait clairement son origine : c’était un Chinois, un Chinois authentique, échoué, à la suite d’incidents malheureux, sur le pavé de Paris.

Avec beaucoup de peine et en y mettant le temps, Nono était parvenu à débrouiller l’histoire de ce