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des anneaux pour les jambes, des bagues aux chatons finement travaillés ; tes robes, tes calasiris, tes coiffures dépassent le nombre des jours de l’année ; Hôpi-Mou, le père des eaux, recouvre régulièrement de sa vase féconde tes domaines, dont un gypaète volant à tire-d’aile ferait à peine le tour d’un soleil à l’autre ; et ton cœur, au lieu de s’ouvrir joyeusement à la vie comme un bouton de lotus au mois d’Hâthor ou de Choïack, se referme et se contracte douloureusement. »

Tahoser répondit à Nofré :

« Oui, certes, les dieux des zones supérieures m’ont favorablement traitée ; mais qu’importent toutes les choses qu’on possède, si l’on n’a pas la seule qu’on souhaite ? Un désir non satisfait rend le riche aussi pauvre dans son palais doré et peint de couleurs vives, au milieu de ses amas de blé, d’aromates et de matières précieuses, que le plus misérable ouvrier des Memnonia qui recueille avec de la sciure de bois le sang des cadavres, ou que le nègre demi-nu manœuvrant sur le Nil sa frêle barque de papyrus, à l’ardeur du soleil de midi. »

Nofré sourit et dit d’un air d’imperceptible raillerie :