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chambre, sur ce lit où, tout à l’heure, elle avait vu Poëri et la jeune Israélite assis l’un près de l’autre et les mains enlacées, se parlant d’amour, tandis qu’elle, haletante, éperdue, regardait à travers la fissure de la muraille ; mais bientôt la mémoire lui revint, et avec elle le sentiment de sa situation.

La lumière donnait en plein sur la figure de Ra’hel, et Tahoser l’étudiait en silence, malheureuse de la trouver si régulièrement belle. En vain, avec toute l’âpreté de la jalousie féminine, elle y chercha un défaut ; elle se sentit non pas vaincue, mais égalée ; Ra’hel était l’idéal israélite comme Tahoser était l’idéal égyptien. Chose dure pour un cœur aimant, elle fut forcée d’admettre la passion de Poëri comme juste et bien placée. Ces yeux aux cils noirs recourbés, ce nez d’une coupe si noble, cette bouche rouge au sourire éblouissant, cet ovale allongé avec tant d’élégance, ces bras forts près des épaules et terminés par des mains enfantines, ce col rond et gras qui se tournait en formant des plis plus beaux que des colliers de pierres précieuses, tout cela, rehaussé d’une parure exotique et bizarre, devait immanquablement plaire.

« J’ai commis une grande faute, se disait Taho-