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transparence incomparable. La mer ressemblait à une grande turquoise.

Les cris des soldats s’élevaient autour du château.

— Fidé-Yori a mis le feu au palais : il va périr dans les flammes, disait-on.

Ceux qui étaient encore à l’abri de la troisième muraille ouvrirent les portes et sortirent précipitamment ; ils se rendirent. D’ailleurs, la bataille avait cessé ; l’usurpateur était à la porte de la forteresse ; on s’agenouillait sur son passage on l’acclamait, on le proclamait le seul et légitime siogoun. C’était le second jour de la sixième lune de la première année du Nengo-Gen-Va[1].

Du sommet de la tour, le prince de Nagato voyait la litière dans laquelle était couché Hiéyas. Il entendait les clameurs triomphales qui l’accueillaient.

— La gloire et la puissance royale ne sont rien auprès de l’amour heureux, murmura-t-il en reportant ses yeux sur la barque qui portait ses amis.

Elle était en mer à présent, hors de la portée des soldats ; elle déployait sa voile et fuyait rapidement.

— Ils sont sauvés, dit le prince.

Alors il tourna ses regards d’un autre côté, du côté de Kioto et de Naikou ; il voyait le commencement de la route qui conduisait à la ville sacrée, et qu’il avait parcourue tant de fois ; il voyait les côtes, se découpant sur l’azur de la mer, et s’étendant en se perdant dans le lointain, vers la province où s’élève le temple antique de Ten-Sio-Dai-Tsin. Il semblait vouloir distinguer, à travers la distance, celle qu’il ne devait plus revoir.

Le soleil disparut, la lumière de l’incendie commença

  1. 2 juin 1615.