Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/297

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

joues. Je te vois encore en fermant les yeux. Un paon blanc était brodé sur ta robe ; des lotus ornaient tes cheveux ; ta main pendante agitait distraitement un éventail en plumes de faisan. Ce ne fut qu’un éclair : tu disparus ; mais désormais tu étais toute ma vie… Je ne revins au palais qu’un an plus tard.

— C’est alors que je te vis pour la première fois, dit la reine. Tout le monde parlait de toi : mes femmes ne tarissaient pas ; ton éloge était dans toutes les bouches. J’eus la curiosité de voir ce héros, à qui l’on accordait toutes les vertus, que l’on paraît de toutes les grâces. Cachée derrière un store, je te regardai, lorsque tu traversas la grande cour du daïri. Je trouvai que les louanges étaient au-dessous de la vérité, et je m’éloignai singulièrement troublée.

— Moi je quittai le palais sans t’avoir revue ; j’étais la proie d’une tristesse morne ; pendant un an, j’avais attendu impatiemment cet instant, où j’espérais t’apercevoir encore, et cette année d’attente aboutissait à une déception. Je ne pus m’empêcher de revenir quelques jours plus tard ; cette fois je fus admis à une fête, à laquelle tu assistais. C’est à cette fête que je m’aperçus de l’intérêt que me portait Fatkoura et que je formai le projet coupable, de cacher, derrière un amour simulé la passion invincible qui me subjuguait.

— Comme elle doit souffrir, l’infortunée, d’aimer et de n’être pas aimée ! dit la Kisaki je la plains de tout mon cœur. Où est-elle en ce moment ?

— Dans mon château d’Hagui, près de mon père ; j’ai envoyé un messager vers lui, afin qu’il me rapporte des nouvelles exactes des événements qui se sont accomplis. Mon père doit me croire mort, car tu l’ignores sans doute, mon royaume a été saccagé, ma forteresse prise et l’on m’a tranché la tête ; mais