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Sur une natte, non loin du maître, un serviteur dormait.

Une écritoire, quelques tasses de porcelaine rare, étaient posées sur un escabeau très bas, en bois noir ; dans un coin, une cuirasse complète, affaissée sur elle-même, faisait l’effet d’être un homme coupé par morceaux. Un grand coffre de laque rouge sur lequel saillissaient en or les trois feuilles de chrysanthème, insignes de Hiéyas, attirait la lumière et luisait.

Contre ce coffre était appuyé le sac de paille contenant la tête de Sado. Hiéyas l’avait voulu garder pour la montrer le lendemain à tous ses soldats.

Loo devina que la tête coupée devait être enfermée dans ce sac ; il rampa jusqu’à lui et l’ouvrit ; mais à ce moment Hiéyas s’éveilla. Il poussa plusieurs gémissements de douleur, s’essuya le front et but quelques gorgées d’une boisson préparée pour lui. L’enfant s’était dissimulé derrière le coffre, il retenait sa respiration. Bientôt le vieillard retomba sur les coussins et s’assoupit de nouveau.

Alors Loo tira la tête hors du sac et l’emporta.

À peine était-il sorti de la tente que des cris d’alarme retentirent de tous côtés. On entendait des piétinements de chevaux, des chocs d’armes à travers le bruissement continuel des arbres dans le vent.

Hiéyas s’éveilla une seconde fois et se leva tout essoufflé par le sursaut. Il écarta la draperie qui fermait la tente.

Un éclair l’éblouit, puis il ne vit rien qu’une obscurité profonde. Mais bientôt, à la lueur d’un nouvel éclair plus long, plus brillant que le premier, il aperçut, avec une horrible surprise, celui qu’il croyait mort, celui dont il avait tenu entre les mains, quelques instants auparavant, la tête inanimée, le prince de