Page:Gautier - La sœur du soleil.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


— Elle n’a rien dit, elle a caché son visage dans ses mains.

Le prince soupira.

— Je veux la voir à tout prix ! s’écria-t-il. Depuis trois jours, je me prive de sa présence et l’ennui m’accable, j’oublie trop que je suis le maître.

— Je vais lui annoncer ta visite, dit Tika, qui rentra brusquement dans l’habitation.

Un instant après Toza parut devant Fatkoura. Il la trouva encore plus belle que la dernière fois qu’il l’avait vue ; la tristesse ennoblissait sa beauté ; son teint, oublieux du fard, laissait voir sa pâleur fiévreuse, et ses yeux avaient une expression résignée et fière des plus touchantes.

Le prince était ému devant elle et se taisait. Elle l’avait salué en élevant la manche de sa robe à la hauteur de sa bouche.

Ce fut elle qui parla la première.

— Si tu as quelque pitié dans l’âme, lui dit-elle d’une voix où tremblaient des larmes, ne me laisse pas dans cette incertitude terrible, donne-moi des nouvelles de mon époux !

— Je crains de t’attrister davantage en t’apprenant des nouvelles heureuses pour moi, déplorables pour toi, puisque tu es mon ennemie.

— Achève ! je t’en conjure ! s’écria Fatkoura épouvantée.

— Eh bien, l’armée du prince de Figo secondée par mes soldats, a triomphé du prince de Nagato, qui s’est défendu héroïquement, je l’avoue ; en ce moment il doit être prisonnier ; la dernière nouvelle m’annonce qu’avec une centaine d’hommes à peine, Nagato s’est retranché dans un petit bois, mes troupes l’ont cerné et il ne peut échapper.