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de chaque bras un plastron roide, formant épaulette et faisant paraître les épaules très larges. Il lui paraissait ainsi plus formidable qu’aucun.

Le prince jouait nonchalamment avec son éventail de fer.

Il n’eut pas l’air de se souvenir qu’il eût jamais connu Sandaï.

— Rebelle, lui dit-il sans élever la voix, je ne te demande pas si tu veux renier ton crime et redevenir le serviteur du véritable maître : dans l’homme, je le sais, l’orgueil survit à l’honneur, et tu refuserais.

— Prince, dit Sandaï, avant le combat, ta voix eût pu me rappeler à mes devoirs et me jeter à tes pieds ; mais, après la défaite, un chef ne peut renier ses actes et servir son vainqueur. C’est pourquoi je ne consens pas à me soumettre.

— Eh bien, je vais te renvoyer vers le maître de ton choix, dit Nagato. Tu partiras seul, sans un page, sans un écuyer, tu rejoindras Hiéyas et tu lui diras ceci : Le général Harounaga nous a vaincus, mais c’est le prince de Nagato qui a coulé les jonques qui pouvaient nous ramener.

— Daïmio illustre, dit Sandaï sans colère, je suis général et non messager. J’ai été coupable peut-être, mais je ne suis point lâche ; je sais subir sans révolte les insultes méritées, mais je ne saurais pas y survivre. Envoie quelque autre messager à Hiéyas, et qu’il joigne aux nouvelles qu’il emportera celle de ma mort.

Un grand silence s’établit parmi les soldats. On comprenait l’intention du général et personne ne voulait s’opposer à son exécution.

Sandai s’assit à terre ; il tira son sabre et son poignard ; puis, après avoir salué le prince, il se tendit le ventre ; s’enfonça le poignard en travers de