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stupides, recouverts d’une laine sale, imprégnée d’un suint d’une odeur désagréable ; leur principale poésie consiste en côtelettes et en gigots. Les bergers sont des drôles peu frisés, hâves, déguenillés, marchant d’un air nonchalant, un morceau de pain bis à la main, un maigre chien à museau de loup sur les talons. Les bergères sont d’affreux laiderons qui n’ont pas la moindre jupe gorge-de-pigeon, pas le moindre corset à échelle de rubans, et dont le teint n’est pas pétri de roses et de lis. — Il a fallu plus de six mille ans au genre humain pour s’apercevoir de cela, et ne plus ajouter foi entière aux dessus de porte, aux éventails et aux paravents.

Donc, puisque voilà nos lecteurs rassurés contre toute tentative d’idylle de notre part, commençons notre récit ; il est fort simple, il sera court. Nous espérons qu’on nous saura gré de cette qualité.



I


Vers le milieu de l’été de 18…, un petit pâtre de quinze ou seize ans, mais si chétif, qu’il ne paraissait