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cheveux, des plumes légères comme des vapeurs colorées, comme des arcs-en-ciel, des nœuds de ruban chiffonnés et feuillus comme des cœurs de rose, des lacis de velours, des gazillons lamés d’or et d’argent dont chaque cassure papillote aux lumières, des écheveaux de corail rose, des grappes d’améthyste, des groseilles de rubis, des papillons de pierres précieuses, des bulles de verre au reflet métallique, des élytres de buprestes, tout ce que la fantaisie peut rêver de plus frais, de plus coquet, de plus brillant, et tout cela sans surcharge, sans excès, sans entassement grotesque, sans luxe ridicule, bien en harmonie avec l’air du visage et les proportions de la tête ; la Vénus de Milo, si elle retrouvait ses bras et si une femme du monde voulait lui prêter son corsage, pourrait aller en soirée coiffée comme elle est. Quel éloge pour la mode de notre temps !

Mais la crinoline, allez-vous dire ; les jupes cerclées, les robes à ressorts qu’on fait raccommoder comme des montres par l’horloger lorsqu’elles se détraquent, n’est‑ce pas hideux, sauvage, abominable, contraire à l’art ? Nous ne sommes pas de cet avis ; les femmes ont raison qui maintiennent la crinoline malgré les plaisanteries, les caricatures, les vaudevilles et les avanies de toute sorte.