— Remue les doigts. Oui, les muscles sont froissés, mais non déchirés, continua le médecin en s’adressant à son compagnon ; les broderies de l’habit ont heureusement amorti le coup de patte et arrêté la griffe qui, sans cela, pouvait pénétrer jusqu’au cœur.
— La blessure est sans danger, alors ? demanda le brahmane.
— Dans quelques jours il n’y aura plus rien, j’espère, qu’un peu de gène dans les mouvements, grâce à ce baume dont la vertu est merveilleuse.
Et il secouait dans une fiole un liquide verdâtre dont il imbiba des linges.
— Peut-il parler ?
— Il le peut ; la fièvre ne reviendra que plus tard, si je ne puis l’éviter.
Le marquis suivait ce dialogue avec une vive curiosité, et ses regards allaient de l’un à l’autre de ces deux personnages ; le visage du brahmane lui plaisait beaucoup : il trahissait une grande noblesse et une haute intelligence.
— Je suis tout disposé à parler tant que vous voudrez, s’écria-t-il en souriant, car il me semble que je suis muet depuis un temps immémorial.
— Où as-tu appris notre langue, mon fils ? dit le brahmane.
— En pleine mer surtout, mon père, répondit Bussy ; pendant une traversée qui a duré plus d’une année. J’ai travaillé sans maître ; tu dois t’en apercevoir à mon détestable accent. Pour la première fois aujourd’hui la musique de cette langue a tinté à mon oreille.