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SALAMMBÔ.

le feu qu’il a allumé, excite Mathô le Libyen, qui s’est raccommodé avec Narr’Havas, en lui montrant Salammbô dans Carthage. Sans passion lui-même, il comprend la passion des autres. Il a tant vu de jeunes hommes le supplier quand il était marchand de femmes ! Tout le camp s’ébranle ; on arrache les piquets des tentes, on charge les bêtes de somme, et la cohue des Mercenaires se rue par le chemin qui l’avait amenée. Mathô s’élance sur le cheval que lui présente Spendius. L’espoir l’a relevé des prostrations d’un amour impossible.

Au bout de quelques jours, Carthage voit avec épouvante apparaître sous ses murs l’armée des barbares qui, d’abord, ne montrent que des intentions pacifiques, mais dont les messagers, porteurs de palmes vertes, sont repoussés à coups de flèches, tant l’effroi qu’inspirent les Mercenaires est grand !

Le rusé Grec, qui, pour y avoir été esclave, connaît l’intérieur de Carthage, nourrit un projet d’une audace insensée et qui peut changer la face de la guerre : l’enlèvement