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l’accent est profond. Les talents ont un âge idéal qui souvent ne concordent pas avec les années réelles du poëte. Tel auteur de vingt ans fait des œuvres qui en ont quarante. D’autres, au contraire, sont éternellement jeunes, comme André Chénier, Murger et Alfred de Musset. Arsène Houssaye est de ceux-là, et ses cheveux blonds comme ceux de la Muse s’obstinent à ne pas blanchir. L’hiver ne vient pas pour lui. En ce temps où les arts font souvent invasion dans le domaine les uns des autres et se prêtent des comparaisons, où le même critique parle à la fois des tableaux et des livres, un poëte fait souvent penser à un peintre par on ne sait quelle ressemblance qui se sent plutôt qu’elle ne se décrit. Arsène Houssaye, avec le chatoiement soyeux de ses verdures étoilées de fleurs qui laissent à travers leurs trouées apercevoir dans une clairière, assises sous un rayon de soleil, des femmes ruisselantes de soie et de pierreries, nous rappelle Diaz, ce prestigieux coloriste qui, lui aussi, fait de temps à autre se promener la Vénus de Prudhon sous le clair de lune des Mille et une nuits, et encore faut-il remarquer qu’Arsène Houssaye dessine plus nettement que Diaz de la Pena.

Pour dernière touche à cette esquisse rapide, nous ne saurions mieux faire que de citer le mot de Sainte-Beuve, qui dit d’Arsène Houssaye dans ses Portraits de poëtes nouveaux : « C’est le poëte des roses et de la jeunesse. » Mais dans ces roses la goutte de rosée est souvent une larme.