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dans le bois druidique, à la faucille d’or d’une Velléda. La couleur intense de ce chef-d’œuvre s’est déjà agatisée, comme disent les experts et les connaisseurs, et ne changera pas plus désormais que celle d’une mosaïque. Quoique profondément original et procédant directement de la nature, Théodore Rousseau avait cependant sa famille dans l’art ; il était un peu cousin à la mode de Bretagne de Gainsborough, de Constable, et surtout de ce peintre, peu connu sur le continent, que les Anglais appellent Old Crome (le vieux Crome). Rousseau dessinait bien et fidèlement, mais c’est surtout comme coloriste qu’il restera. À l’âge où l’artiste, jugeant sa jeunesse avec sévérité, prend la maladie du style, Théodore, grâce à sa incessante familiarité avec la nature et à son tempérament robuste, surmonta heureusement celle crise fâcheuse, resta lui-même et se contenta d’admirer, sans les copier, les paysages philosophiques du Poussin. Par une de ces analogies secrètes qu’on sent plutôt qu’on ne les raisonne, on peut dire que Théodore Rousseau était le Delacroix du paysage.

Qu’on nous permette de placer ici un souvenir personnel. Après avoir subi longtemps la persécution, celui qu’on appelait le grand refusé en était venu à être juré et même président du jury. Des conditions plus équitables et plus libérales de jugement avaient permis cette transformation. L’ancien coupable, le condamné d’autrefois s’était assis à son tour sur le fauteuil du juge. Le soin religieux, l’at-