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FUSAINS ET EAUX-FORTES.


quand ce serait Phœbus ou Dieu lui-même qui les aurait faits, et je crois que l’on peut dire, avec tout le respect que l’on doit à une magnifique renommée et à un immense talent, que M. de Chateaubriand, ce grand prosateur poétique, est un exécrable et ridicule poète.

M. Jules Janin, qui, malgré l’effroyable gaspillage qu’il fait de son talent, n’en est pas moins un des littérateurs les plus distingués de l’époque, a eu plus de bonheur ou plus de prudence que M. de Chateaubriand il n’a jamais pu faire de vers ou du moins je n’en connais pas un seul de lui quand il a eu besoin de quelques strophes dans ses romans, il les a tout bonnement demandées à ses amis, à Frédéric Soulié le Dramatique et à Barbier l’Iambique. Et pourtant M. Jules Janin, avec sa phrase souple, nombreuse, colorée, toute diaprée d’images, paraît avoir tout ce qu’il faut pour faire un poète mais les perles qu’il égrène à pleines mains ne sont pas percées et ne peuvent être réunies par le fil d’or du rythme. George Sand, l’écrivain hermaphrodite, dont les romans sont d’une poésie si exaltée, a mis dans Lélia, cette grande ode, un hymne intitulé Inno Ebrioso, ce qui veut dire en style moins prétentieux, chanson à boire. Cet hymne, ou cette chanson, comme on voudra, est parfaitement détestable. Quelques-uns l’attribuent à M. Gustave Planche, ce qui ne ferait que déplacer la question ; car M. Gustave