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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

le don de l’image, il faut un certain sens intime, une disposition secrète, quelque chose qui ne s’acquiert pas et qui tient au tempérament propre et à l’idiosyncrasie car si les sciences finissent toujours par ouvrir les portes de leur sanctuaire à qui vient y frapper souvent, la poésie, la musique et la peinture font voir un goût plus dédaigneux et ne se livrent qu’à certaines organisations d’élite. Ce qui ne veut pas dire que l’on devient un grand artiste sans travailler, mais que les plus profondes études qui feraient de vous un savant n’en feront pas un artiste.

C’est pourquoi les arts sont au-dessus des sciences, car il faut joindre aux connaissances acquises un don naturel, une espèce d’intuition instinctive que rien au monde ne peut remplacer, et qui ne se trouve dans aucune académie ni sur aucun marché je fais en général assez peu de cas des savants mais j’ai une vénération profonde pour l’artiste véritable, je l’admire comme une belle femme ou un homme heureux. Génie, beauté, bonheur, rayonnante trinité, magnifiques présents que Dieu seul peut faire, qui sont au-dessus de la générosité des rois et que ne sauraient atteindre les plus constants efforts de la volonté humaine.

C’est une vérité que les prosateurs cherchent en vain à se dissimuler sous l’éclat oriental de leur style ; ils ne peuvent écrire en vers. Le poète, au