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SAINT-AMANT.

sées de rythme, et même çà et là l’emploi de quelque mot suranné, sous prétexte « qu’une grande et vénérable chaise à l’antique a quelquefois très Bonne grâce et tient fort bien son rang dans une chambre parée des meubles les plus superbes et les plus à la mode ». Il pense aussi que l’esprit humain peut produire quelque chose encore après Homère et Virgile, et que le monde n’est pas devenu complètement idiot depuis ces grands hommes, qu’il respecte d’ailleurs comme il convient. Ces doctrines ne pouvaient plaire au législateur du Parnasse, et il donna de la férule sur les doigts si rudement au pauvre poète, que le luth dont il tirait pourtant de si mélodieux accords lui échappa et que les cordes s’en rompirent.

Nous n’avons pas à faire ici la biographie de Saint-Amant, qui se réduirait à un petit nombre de détails peu intéressants en eux-mêmes, mais à donner une idée de son tempérament poétique et de sa manière.

Ce n’est pas un élégiaque, ni un pleurard à nacelle que Saint-Amant ; c’est un gros garçon jovial, bien portant, haut en couleur, aux cheveux blonds frisés, à la moustache en croc, aux yeux bleus où nage souvent l’humide paillette de l’ivresse. Comme physique, il rappelle ces braves soudards épanouis qu’aime à peindre Terburg, tendant leur vidrecome au vin que leur verse une accorte servante et qui,