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À PROPOS DE BALLONS.

bare, et d’ailleurs contraire à la conformation de la planète que nous habitons la preuve en est dans les immenses travaux que nécessite la moindre voie ferrée terrassements, remblais, ponts, viaducs, tunnels, c’est à n’en pas finir, et tout cela pour faire avec mille dangers dix misérables lieues à l’heure. Le chemin de fer viole évidemment la configuration terrestre ; il égratigne trop violemment la face de sa mère pour n’être pas une imagination subversive et transitoire ; non que nous voulions le déprécier ; il est venu à son temps et sert à faire prendre patience à l’humanité en satisfaisant son désir de vélocité. Aller en chemin de fer, c’est voler par terre mais il est temps de quitter le sol ; la Providence nous ménage à coup sûr cette ironie. Le jour où le réseau de fer sera complet, où l’on viendra déposer le dernier railway, un inconnu, un rêveur, un enfant, un fou se présentera avec le gouvernail et l’aile du ballon, et ce sera si simple, si frêle, si facile, si peu coûteux, que tout le monde s’écriera : Mais je l’aurais trouvé ! Les chemins de fer alors serviront de chemins vicinaux et transporteront seulement les marchandises lourdes et qui n’ont pas besoin d’aller vite, les rentiers à rentes viagères, les douairières craignant pour leur chien et autres gens de mœurs timides et d’esprit obtus, qui maintenant vont à Versailles en gondole et à Rouen en diligence.

Ce temps-là est si prochain que nous espérons