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FUSAINS ET EAUX-FORTES.

cratie que nulle république ne supprimera, celle des poètes ; par poète nous n’entendons pas seulement ceux qui assemblent des rimes, mais nous ramenons ce nom à son beau sens grec — ceux qui font ou qui créent. — Le conquérant, l’artiste, le législateur, le savant sont des poètes, lorsqu’ils ont trouvé une idée, une forme, une vérité, un fait ; autour de ces centres lumineux le reste de l’humanité s’équilibre et gravite avec le même plaisir impérieux que le satellite autour de sa planète.

Pour nous, l’égalité n’existe donc qu’à l’état abstractif et politique ; chercher à l’étendre au delà, c’est méconnaître les lois de la nature, les mathématiques générales et les volontés de Dieu, ce grand harmoniste qui produit l’unité avec la diversité.

Abaisser les barrières, ouvrir les portes, rompre les entraves, offrir à tous les mêmes facilités et le même entraînement, voilà ce que doit et peut la République. Là s’arrête l’action gouvernementale ; l’action sociale bien dirigée aplanit encore quelques obstacles, mais il faut ensuite admettre l’action individuelle. La valeur de chacun fait le reste. Cette valeur, qui, prise isolément, peut paraître injustement distribuée, contribue, dans le balancement général, à la grande unité.

En République, la politesse là plus exquise doit régner, contrairement à l’idée de certains démocrates qui s’imaginent que l’absence de formes, le tutoie-