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GALERIE DE L’ÉLYSÉE-BOURBON.

tails, insignifiants en apparence, rendus avec l’austère et profonde vérité des maîtres, en disent plus sur l’âme et la pensée d’un homme que vingt pages de métaphysique quintessenciée ; aussi Terburg, pour donner à ses révélations toute l’authenticité possible, s’est-il placé lui-même dans un coin du tableau, observant et regardant toute cette scène avec l’œil chercheur et curieux de l’artiste en présence de son modèle.

Il y avait aussi un bien beau tableau de Jean Steen, le peintre de la jovialité, un grand artiste, un grand ivrogne, les Noces de Cana, quelque chose d’aussi chaud que la Kermesse de Rubens. Avec quelle ardeur tout ce monde se pousse et se culbute pour arriver au merveilleux breuvage ! Quelle joie bienheureuse Quelle hilarité délirante ! Que tous ces cuistres et ces manants, ces grosses commères à gorge rebondie sont contents d’être au monde et de vivre, et comme ils ne changeraient pas leur peau contre une autre, même avec du retour ! Voilà qui console de la maigreur d’Holbein, de Quintin Metsys et d’Albert Dürer. Ces gaillards ont mangé et bu pour toutes les figures décharnées de l’école gothique.

L’Adrien Ostade était aussi d’une grande beauté, c’est-à-dire d’une grande laideur ; ce qui me charme dans les Flamands, c’est le plaisir qu’ils semblent éprouver à être horriblement laids ; ils ont l’air d’être aussi fiers de leurs abominables trognes que l’Anti-