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CONSTANTINOPLE.

Sur l’invitation du drogman, chacun se chaussa de ses pantoufles, et nous commençâmes à gravir un escalier de bois qui n’avait rien de monumental. Dans les pays du nord, où l’on se fait, d’après les contes arabes, une idée exagérée de la magnificence orientale, les esprits les plus froids ne peuvent s’empêcher d’élever en imagination des architectures féeriques avec des colonnes de lapis-lazuli, des chapiteaux d’or, des feuillages d’émeraudes et de rubis, des fontaines de cristal de roche où grésillent des jets de vif-argent. On confond le style turc avec le style arabe, qui n’ont pas le moindre rapport, et l’on rêve des alhambras là où il n’y a, en réalité, que des kiosques bien aérés et des chambres d’une ornementation très-simple.

La première salle qu’on nous ouvrit affecte une forme circulaire ; elle est percée de nombreuses fenêtres à treillis ; tout autour règne un divan, les murs et le plafond sont ornés de dorures où serpentent des arabesques noires ; des rideaux noirs et une pente découpée en lambrequin suivant la corniche complètent la décoration. Une natte de sparterie très-fine, qui, sans doute, est remplacée l’hiver par de moelleux tapis de Smyrne, recouvre le plancher. La seconde salle est peinte de grisailles en détrempe à la manière italienne. La troisième a pour décorations des paysages, des glaces, des draperies bleues et une pendule au cadran radié. Sur les murs de la quatrième courent des sentences tracées de la main de Mahmoud, qui était un habile calligraphe, et, comme tous les Orientaux, tirait vanité de ce talent, vanité concevable, car cette écriture, compliquée par ses courbes, ses ligatures et ses enlacements, se rapproche beaucoup du dessin. — Après les avoir traversées, on arrive à une chambre plus petite.

Deux cadres au pastel, de Michel Bouquet, sont les deux seuls objets d’art qui attirent l’œil dans ces pièces où règne