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CONSTANTINOPLE.

Quand on la regarde de la place qui s’étend devant Baba-Hummayoun (porte Auguste), le dos appuyé aux délicates ciselures et aux inscriptions sculptées de la fontaine d’Achmet III, Sainte-Sophie présente un amas incohérent de constructions difformes. Le plan primitif a disparu sous une agrégation de bâtisses après coup qui oblitèrent les lignes générales et les empêchent d’être aisément discernées. — Entre les contre-forts élevés par Amurat III pour soutenir les murailles ébranlées aux secousses des tremblements de terre, se sont accrochés, comme des agarics dans les nervures d’un chêne, des tombeaux, des écoles, des bains, des boutiques, des échoppes.

Au-dessus de ce tumulte s’élève, entre quatre minarets assez lourds, la grande coupole appuyée sur des murs aux assises alternativement blanches et roses, et entourée comme d’une tiare d’un cercle de fenêtres treillissées à jour ; les minarets n’ont pas l’élégante sveltesse des minarets arabes ; la coupole s’épate pesamment sur ce tas de masures désordonnées, et le voyageur, dont l’imagination avait involontairement travaillé à ce nom magique de Sainte-Sophie, qui fait penser au temple d’Éphèse et à celui de Salomon, éprouve une déception qui heureusement ne se continue pas quand il a pénétré dans l’intérieur. On doit dire, à l’excuse des Turcs, que la plupart des monuments chrétiens sont aussi misérablement obstrués, et que telle cathédrale célèbre et merveilleuse a ses flancs tout rugueux d’excroissances de plâtre et de bouts de planches, et que ses flèches uvrées en dentelle jaillissent la plupart du temps d’un chaos immonde de baraques.

Pour arriver à la porte de la mosquée, on suit une espèce de ruelle, bordée de sycomores et de turbés, dont les pierres peintes et dorées reluisent vaguement à travers les grilles, et l’on se trouve bientôt, après quelques détours, en