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Et plus tard quand le monde ému se souviendra
De mon pays martyr, du poète on dira :
« Ce rêveur avait fait pour son âme loyale
» De la gloire des siens une pourpre royale ! »

La nuit d’après ma mort, sans pitié ni terreur,
Dans l’aloès, amis, vous brûlerez mon cœur ;
Tu l’auras mort, ô toi qui lui donnas naissance !
Pour nos mères, voilà notre reconnaissance !

Ensuite attablez-vous, amis ; et dans le vin
Avec mon souvenir noyez votre chagrin :
Si je suis un esprit, vous me verrez paraître ;
Mais Dieu permettra-t-il que je vienne ? — Peut-être !

Quoi qu’il en soit, vivants, ne perdez pas l’espoir !
Portez haut le flambeau que le peuple doit voir :
Et quand il le faudra, mourez : âmes guerrières !
Dieu construit un rempart dont nous sommes les pierres.

De mes amis, hélas ! le cercle est peu nombreux ;
Peu d’hommes ont aimé ce cœur trop orgueilleux,
Car j’avais à remplir une lâche abhorrée
Et Dieu me réservait une tombe ignorée.