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Je ne vis plus du ciel la lumière sereine,
Personne désormais ne me vit dans la plaine ;
J’étais comme un homme ivre ou comme un vieil enfant.
Dans ma mémoire, plus un visage vivant,
Rien que ces traits affreux, ces figures livides,
Que la peste avait pris dans ses griffes avides.
Et le jour radieux, la nuit pleine d’effroi,
Me les montraient toujours rangés autour de moi.
Je parlais avec eux ; j’avais, dans les nuits sombres,
Des conversations tristes avec ces ombres.
Même, par un hasard étrange, quelquefois
Ma voix de mes enfants reproduisait la voix.
Et je me réveillais de mes visions vaines
En entendant, la nuit, les hurlements des hyènes
Là-bas, sur les tombeaux… J’écoutais, plein d’horreur,
Ces fauves sur mes morts pleurant avec fureur.

Je m’engourdis enfin, comme fait la vipère ;
Jours, semaines, passaient sans aucune douleur,
Sans délire ; j’avais oublié mon malheur.
J’étais devenu dur et froid comme la pierre.
Un jour (puisse le Ciel alléger ma misère !)
Quelqu’un glisse en ma tente un regard incertain ;