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J’arrivai. Je dressai ma tente sur le sable.
Nous fîmes près de nous se coucher nos chameaux ;
L’enfant, comme un petit chérubin secourable,
Donnait aux passereaux du pain, et les oiseaux
Venaient presque manger dans sa main enfantine.
Vois-tu dans le vallon cette source argentine ?
Ma fille en revenait d’un pas agile et prompt,
Sa cruche sur la tête et droite comme un jonc ;
Elle vint vers le feu, puis fit jaillir, joyeuse,
Sur ses frères cette eau, goutte à goutte, en riant.
L’aîné, l’œil enflammé, le regard effrayant,
Se leva, prit la cruche en sa main fiévreuse
Et dit : « De l’eau, ma sœur ! oh ! je rends grâce à Dieu : .
Donne, donne, j’ai soif, j’ai la poitrine en feu ! »
Il dit, et puis, vidant la cruche tout entière,
Comme un palmier brisé roula mort sur la terre.
J’accourus, — mais trop tard, — je ne le sauvai pas.
Ses sœurs voulaient encor le prendre dans leurs bras ;
Je criai, furieux : « Que nul ne s’y hasarde ! »
Je jetai le cadavre aux Arabes de garde,
Pour le traîner en hâte avec leurs crocs ferrés
Au tombeau réservé pour les pestiférés.
Et depuis cette nuit d’épouvante si pleine,
Il fallut commencer une autre quarantaine.