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en apparence par les jeux auxquels il était mêlé, tandis que Philip se séparait de la foule pour aller retrouver la jeune fille, debout en silence auprès de mistress Corney qui, les bras croisés, riait à gorge déployée de toutes les folies dont elle était témoin. Sylvia tressaillit quelque peu lorsque Philip lui adressa la parole, et après un premier regard jeté sur lui, évita soigneusement de lever les yeux de son côté ; ses réponses étaient laconiques, mais leur accent avait une douceur inaccoutumée : « Quand je veux m’en retourner ? disait-elle… mais… je ne sais pas… La soirée commence à peine.

— Il ne faudrait pourtant pas oublier votre mère, Sylvia ; votre mère qui veillera jusqu’à ce que vous soyez de retour… »

À ces mots éclatèrent, bruyantes et bavardes, les récriminations de mistress Corney, qui ne comprenait pas, eût-on dix mères malades, qu’on se retirât, un trente et un décembre, avant minuit… et surtout sans avoir soupé.

Pendant qu’elle grommelait encore — et avant que Sylvia eût pu prendre un parti quelconque, — un nouveau tumulte se fit, qui vint séparer le petit groupe. Sylvia se trouva, comme par miracle, assise à dix pas de Philip, et celui-ci, peu à peu rencogné contre le vieux coucou de famille, ne pouvait plus bouger sans une grave indiscrétion. Ce fut en ce moment qu’il surprit une conversation destinée à de tout autres oreilles que les siennes. Molly Branton, assise devant lui, causait à voix très-basse avec une de ses sœurs, et ni l’une ni l’autre ne portaient plus au jeu la moindre attention. Celle de Philip se trouva tout à coup éveillée par les paroles suivantes :

« Je parie ce que vous voudrez, qu’il l’a embrassée quand il s’est échappé dans le salon.

— Elle est trop timide pour le lui avoir permis, répliqua Bessy Corney.