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pliments que d’autres lui adressaient, elle ne répondait que par des mouvements de tête un peu dédaigneux, ou par quelque phrase piquante qu’elle leur lançait à la volée ; mais quand il venait tout bas lui faire entendre un propos flatteur, elle le laissait patiemment achever, savourant le miel de ses douces paroles. Et plus elle cédait à cette fascination, plus elle tâchait de se dérober aux regards de Philip. Il n’avait, lui, ni compliments ni flatteries ; — il la surveillait d’un œil mécontent où se peignaient l’impatience et l’ennui. Ce n’était pas là, et à beaucoup près, la belle soirée qu’il s’était promise.

Pour la cérémonie des gages touchés, Molly Brunton s’était agenouillée, le visage enfoui dans le giron de sa mère. Celle-ci prenait les gages un par un et, les tenant en l’air, prononçait la formule accoutumée. Après quoi on fixait les conditions de rachat : il fallait, ou s’agenouiller devant la plus belle, ou saluer la plus fine langue, ou embrasser ce qu’on aimait le mieux, etc. Quand vint le joli ruban neuf dont Philip avait fait présent à Sylvia, ce pauvre garçon, déjà fort mal à l’aise, aurait bien voulu l’arracher des mains de mistress Corney. Mais la formule impitoyable reprit de plus belle :

« Un beau gage,… un très-beau gage !… On ne demande pas d’où il vient… Pour le ravoir, que faudra-t-il faire ?

— Il faudra souffler la chandelle et embrasser le chandelier. »

À la minute même, Kinraid se saisit de l’unique chandelier qui fût à portée de la main, tous les autres ayant été placés à des hauteurs inaccessibles. Sylvia vint souffler la lumière ; mais à peine était-elle éteinte que le jeune homme, fidèle aux traditions du jeu, prit la chandelle entre ses doigts et, devenant ainsi porte-flambeau, acquit au baiser prescrit des droits qu’on ne pouvait con-