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mains de Bell Robson, ce qui n’était pas entré dans les prévisions de son neveu.

Sylvia partit de bonne heure pour Moss-Brow. Outre qu’elle avait promis de revenir également de bonne heure, elle voulait, en ménagère bien apprise, aider aux préparatifs du souper, déjà dressé dans le grand salon carrelé qui servait en même temps comme chambre à coucher d’apparat. On y voyait effectivement un immense lit à baldaquin dont les rideaux et le couvre-pied, suivant la mode du temps, — de ce temps où les indiennes et les palempours, tissus d’un grand prix, alternaient en petites tranches hexagones avec des plaques de calicot rouge et noir, — étaient faits de cette étoffe composite. Ce fut sur ce lit que Sylvia, guidée par son ancienne amie Molly Brunton, alla déposer tout d’abord son manteau et son chapeau. Et à je ne sais quel propos de l’indiscrète Molly, elle répondit (penchée sur le couvre-pied de façon à ce qu’on ne vît pas si elle rougissait ou non) par une observation sur l’heureux choix des étoffes qui composaient cette espèce d’arlequinade :

« Mon Dieu, disait-elle, je n’avais jamais remarqué ce beau dessin… On croirait voir les yeux d’une queue de paon.

— Tu as vu tout cela vingt fois pour une, ma chère petite… Mais n’as-tu pas été surprise de trouver ici Charley Kinraid ?… Nous l’avons rencontré à Shields, tout à fait sans nous y attendre, et quand il a su que nous venions ici fêter le nouvel an, force nous a bien été de l’amener… »

Sylvia ne répondit rien, et Molly prenant vis-à-vis d’elle l’attitude d’une dame de la ville, se mit à lui enseigner ainsi qu’à Bessy Corney, une de ses cadettes, les recherches culinaires dont on usait à Newcastle.

« Mettez ce brin de houx dans la gueule de ce cochon de lait… C’est ainsi que nous faisons là-bas ; mais à