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saient guère. Mais, cette fois, elle ne les eût pas facilement arrêtés.

« Pas moins, recommença-t-elle, que le mariage de l’une de nous sera un grand débarras pour ma mère.

— Et de qui s’agit-il ? demanda Sylvia, non sans quelque empressement ; car elle entrevoyait sous ces paroles couvertes une allusion à quelque noce.

— De qui s’agirait-il, sinon de moi ? répondit Molly rougissant un peu et riant beaucoup… Je n’ai pas roulé pour rien, cette année… J’ai rencontré sur mon chemin un seigneur et maître… quelqu’un du moins qui prétend le devenir.

— Charley Kinraid ? dit Sylvia qui se prit à sourire en songeant qu’il lui était loisible de révéler le secret de Molly Corney, ce secret qu’elle avait gardé jusqu’alors comme un dépôt sacré.

— Ne parlons pas de Charley Kinraid !… répliqua Molly avec un geste de tête passablement dédaigneux. Beaux maris en vérité, les gens qui passent en mer la moitié de l’année… Mon seigneur, à moi, est un fin boutiquier de Newcastle, et je te souhaite autant de chance que j’en ai, ma bonne Sylvia… »

Puis se tournant vers Bell Robson, plus capable que ne l’était sa fille d’apprécier les avantages solides d’une pareille union :

« Mister Brunton, reprit-elle, approche de la quarantaine, mais il se fait au moins deux cents livres, bon an mal an… Il est encore très-bien pour son âge, et par-dessus le marché on lui reconnaît un excellent caractère… Il a déjà été marié, ceci est certain… Mais ses enfants sont tous morts, à l’exception d’un seul que je me promets de soigner à merveille. »

Mistress Robson lui fit gravement les compliments requis par la circonstance ; mais Sylvia, désappointée, se taisait. Il y avait trop à rabattre du roman qu’elle