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IX

LE SPECKSIONEER.

Daniel Robson, quelques jours après, partit de bonne heure pour aller, dans un district assez éloigné, faire emplette d’un cheval. Le soir, Sylvia et sa mère l’attendaient au coin du feu, et comme dans leurs longs tête-à-tête elles échangeaient rarement une parole, le cliquetis de leurs aiguilles à tricoter répondait seul à la plainte lointaine des flots que leur apportaient les échos du défilé de Haytersbank. Vers huit heures, l’oreille subtile de la jeune fille reconnut le pas pesant de son père sur le sentier rocailleux. Elle reconnut de plus, au son de sa voix, qu’il était accompagné de quelqu’un.

Curieuse de savoir qui ce pouvait être, et naturellement aux aguets de tout incident qui venait rompre la monotonie de son existence habituelle, Sylvia courut ouvrir la porte. Mais un seul regard jeté au dehors parut l’avoir subitement intimidée, car elle se tint à l’abri du battant qu’elle venait de tirer, lorsque son père et Kinraid entrèrent ensemble.

Daniel Robson, — en revenant de Monkshaven, où il était allé conduire au maréchal ferrant sa jument achetée le matin, — avait rencontré le harponneur qui cherchait justement à découvrir le chemin de la ferme, et auquel il s’empressa d’offrir une hospitalité légèrement tumultueuse.

Pour Sylvia, l’entrée de ces deux hommes fut un vrai coup de théâtre. Après cette interminable soirée monotone et terne, la maison s’illuminait tout à coup, la solitude se peuplait, l’âtre obscurci jetait de nouveaux