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— C’est Charley Kinraid, vrai comme je suis là ! » dit Molly, s’empressant de courir au-devant de son cousin.

Mais, à mesure qu’il approchait, elle vit que l’effort de la marche l’absorbait tout entier. Les matelots, cédant à ses instantes prières, l’avaient monté jusque-là pour qu’il pût adresser un suprême adieu à son camarade. Ils le placèrent près de la fosse, le dos appuyé contre une pierre, et dans ce moment-là même la foule des fidèles sortait de l’église, le ministre en tête, pour achever la triste cérémonie.

Sylvia était si absorbée par le caractère imposant de cette scène, qu’elle n’eut pas tout d’abord une seule pensée pour le visage pâle et hagard qui venait de se placer en face d’elle ; bien moins encore prit-elle garde à son cousin Philip, qui, l’ayant alors aperçue pour la première fois au sein de la foule, vint aussitôt se placer à côté d’elle, compagnon et protecteur prédestiné.

À mesure que les prières continuaient, les sanglots, d’abord comprimés, s’élevèrent de tous côtés autour des deux jeunes filles ; ils prirent peu à peu les proportions d’une clameur plaintive, à laquelle chacun s’associait. La figure de Sylvia ruisselait de pleurs, et la douleur qu’elle manifestait ainsi attira bientôt l’attention de ses voisins. Le specksioneer, entre autres, ne put s’empêcher de remarquer ce charmant visage où la fleur de jeunesse était épanouie sous une abondante rosée, et qu’il crut d’abord, tant il y voyait de tristesse, celui de quelque parente ; — mais s’apercevant ensuite que les vêtements de la jeune fille ne portaient aucun signe de deuil, il en augura qu’elle devait être la « promise » du défunt.

Le service pourtant s’achevait, et quand on eut entendu le bruit sinistre que font les premières pelletées de terre en retombant sur le cercueil, les rangs extérieurs de la foule commencèrent à s’éclaircir. Philip,