Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/387

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dès qu’elle fut là, les pleurs de Sylvia ne tardèrent pas à couler.


Monkshaven est devenu, à notre époque, un établissement de bains dont la réputation va croissant. Les flots sonores y bondissent, comme jadis, sur les roches inclinées, et tant que la mer sera la mer, vous pourrez entendre, par une belle nuit d’été, le même bruit qui arrivait aux oreilles de Philip, pendant les intervalles de la lutte suprême, tandis qu’il restait, pour ainsi dire, suspendu entre la vie et la mort.

La mémoire de l’homme est moins constante que les flots. Quelques vieillards ont seuls conservé la tradition d’un contemporain de leur enfance, lequel mourut dans un cottage dont ils désignent à peu près le site, à deux jets de pierre de la maison où sa femme, endurcie contre lui, vivait au sein d’une abondance coupable. Telle est la forme définitive que la compassion populaire et l’ignorance des faits réels ont donnée à notre légende.

Il y a peu de temps qu’une dame s’étant rendue aux « Bains publics », — élégant édifice construit à la place même du cottage de la veuve Dawson, — et trouvant toutes les cellules occupées, se mit à causer avec la baigneuse. Le hasard fit tomber la conversation sur l’histoire dont Philip Hepburn est le héros.

« Quand j’étais encore jeune fille, disait la baigneuse, j’ai connu un vieillard qui ne tolérait pas le moindre blâme jeté à cette femme dénaturée… Il ne disait rien contre le mari ; mais il protestait, en général, contre tout jugement porté par les hommes : la femme de Hepburn selon lui, avait été tout aussi rudement éprouvée que Hepburn lui-même.

— Peut-on savoir ce qu’elle était devenue ? demanda la dame.