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« Malheur à moi !… c’est moi, moi, Philip, qui ai besoin de pardon. »

Déjà il ne l’entendait plus. La conscience des choses présentes ne lui revenait que par instants passagers. Par instants seulement, il comprenait que Sylvia était là, qu’elle approchait un cordial de ses lèvres, qu’elle murmurait de tendres paroles à son oreille. Puis il sembla s’endormir. Mais au moment où les rayons rouges du soleil matinal vinrent frapper ses yeux, il se releva par un effort soudain, et se tournant pour voir une fois encore ce pâle visage adoré :

« Dans le ciel ! » s’écria-t-il avec un radieux sourire. Puis il retomba, masse inerte, sur son oreiller.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Lorsque Hester survint, portant dans ses bras la petite Bella dont le sommeil n’était pas tout à fait dissipé, ce fut pour voir le cadavre de Philip, que Sylvia tenait encore embrassé. Kester, à côté d’elle, sanglotait amèrement ; mais Sylvia ne pleurait pas. Quand on lui présenta l’enfant, elle la regarda, les yeux grands ouverts, et semblait ne pas comprendre. Mais à la vue de cette figure couverte de cicatrices et qu’elle reconnut aussitôt :

« C’est le pauvre homme qui avait faim, s’écria Bella… Crois-tu qu’il ait encore besoin de manger ?

— Non, répondit doucement Hester, les choses du passé ne sont plus… Le chagrin et la souffrance n’habitent pas où il est. »

Tandis qu’elle parlait ainsi, son regard tomba sur un ruban noir passé autour du cou de Philip. À ce ruban, qu’elle souleva d’une main respectueuse, pendait une pièce d’argent. C’était celle qu’il avait fait percer, quelques jours avant, par William Darley.

Bella, effrayée de se trouver dans un lieu inconnu, chercha naturellement refuge aux bras de sa mère et,