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Hester fit quelques pas pour s’éloigner et, tout à coup, levant les mains vers le ciel :

« Seigneur Dieu, notre Maître à tous, s’écria-t-elle, tu ne m’as pas même jugée digne d’unir leurs mains dans cette dernière étreinte ! »

Et lentement, le cœur gros, elle retourna près de sa mère endormie.

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Les premières blancheurs d’une matinée d’été marquent sur le ciel vers deux heures après minuit. Philip tenait à voir lever cette nouvelle aurore, — la dernière de toutes, il le savait.

Comme soldat, la mort lui était familière. Une ou deux fois, — le jour, entre autres, où il s’était précipité au milieu des balles pour sauver Kinraid, — ses chances de salut avaient été dans la proportion d’une contre cent. Encore cette chance unique existait-elle ; à présent, au contraire…, il éprouvait cette sensation nouvelle, (que la plupart d’entre nous éprouveront aussi tôt ou tard), d’une fin qui n’est pas seulement prochaine, mais inévitable.

Il sentait l’engourdissement gagner ses membres, les gagner un à un, en remontant des extrémités vers le centre. Mais la tête restait libre, et le cerveau accessible aux impressions les plus vives.

Il se voyait, hier encore, tout petit enfant appuyé aux genoux de sa mère, écoutant ses pieuses leçons et brûlant du désir de ressembler à Abraham, l’ami de Dieu, ou bien à David, l’homme selon le cœur de Dieu, ou à saint Jean, le Disciple bien-aimé. Il se rappelait le jour où il avait formé la résolution de leur ressembler ; — c’était au printemps, et quelqu’un avait apporté un faix de primevères ; — le parfum de ces fleurs emplissait encore ses narines à l’heure présente, à ce moment où il gisait mourant, sa vie terminée, son combat livré, avec la triste