Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/382

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mal l’un à l’autre ; mais, à présent que nous en savons la cause, la pitié, le pardon nous deviennent faciles… Dieu, qui sait davantage encore, sera aussi bien plus indulgent. Nous nous retrouverons devant sa face ; je te le dis parce que je le crois fermement… Mais alors je ne t’aimerai qu’après lui, et non pas, comme je l’ai fait, par-dessus toute chose au monde. »

Sa voix s’était graduellement affaiblie. Il cessa de parler et ne bougea plus. Sylvia étendit la main vers une table voisine, sur laquelle était un cordial que les médecins avaient laissé derrière eux en désespoir de cause. Elle en versa quelques gouttes sur les lèvres du mourant. Puis elle s’agenouilla de nouveau, reprit la main qu’il lui tendait toujours, et dans ces yeux dont le regard mélancolique et fixe ne la quittait pas, s’étudiait à ne pas perdre de vue l’indécise clarté qui attestait un reste de vie. Sur les rochers en pente les vagues sonores continuaient à bondir.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Kester et sa sœur veillaient au dehors, assis devant la porte et sous le ciel étoilé. Ils étaient seuls, tout le monde s’étant retiré peu à peu, même les deux quakers, qui avaient emmené la petite Bella. Vers minuit, ils virent une forme humaine gravir rapidement le sentier. C’était Hester, à qui la fatale nouvelle était enfin parvenue et qui se hâtait d’accourir. Le vieillard la regardait en silence.

« C’est donc lui ?… C’est lui, c’est Philip ? » dit-elle aussitôt que sa respiration haletante lui permit de parler.

Kester secoua tristement la tête.

« Et sa femme ?… Et Sylvia ? reprit Hester.

— Elle veille auprès de lui, toute seule… L’entrée de la maison nous est interdite, » murmura tout bas le fidèle gardien.