Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/381

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Je t’ai fait tort, reprit-il. Dans ce cœur habité par le mensonge, le divin précepte a été méconnu… Je n’ai pas été pour toi ce que j’aurais voulu que tu fusses pour moi… J’ai porté jugement contre Kinraid, alors que…

— Et tu ne te trompais pas, interrompit-elle vivement… Il était bien l’homme inconstant et léger que tu le croyais… Son mariage, avec une autre femme, a suivi de près ton départ… Et toi, Philip, quand je te retrouve, faut-il que ce soit ?… »

… Pour te perdre, allait-elle ajouter, mais elle s’arrêta subitement, de peur de lui révéler ce qu’il ne savait peut-être pas encore. Il comprit cette réticence significative et, passant de nouveau sur ses cheveux une main caressante :

« Parle toujours, fillette, lui dit-il, tu ne m’apprends rien, sois tranquille !… Mon Dieu, reprit-il quand il la vit plus calme après quelques sanglots, je ne croyais pas qu’il m’arrivât jamais un tel bonheur… La miséricorde de Dieu est bien grande.

— Me pardonnera-t-il, croyez-vous ? lui demanda-t-elle aussitôt, en levant la tête, avec un accent égaré… Je vous ai chassé de chez vous, je vous ai fait courir à ces guerres où vous pouviez trouver la mort, et quand vous êtes revenu, pauvre malheureux ! il n’a pas tenu à moi que vous ne fussiez chassé de cette maison où je vous savais aux prises avec la faim… Ah ! je suis condamnée, je le vois trop… J’irai où sont les grincements de dents, tandis que vous habiterez, vous, où les larmes sont essuyées.

— Non ! dit Philip, tournant cette fois la tête, car il s’oubliait lui-même entraîné par le désir de la rassurer. Pour ses pauvres enfants égarés, Dieu garde toujours la pitié d’un bon père ; plus j’approche de la mort, plus nettement il m’est révélé… Nous nous sommes fait du