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« Ma pauvre Sylvie, dit-il, pardonne-moi maintenant… Si je vais jusqu’au matin, ce sera tout ! »

Il n’obtint d’autre réponse qu’un long soupir d’angoisse, mais une joue lisse vint s’appuyer contre sa main, et il sentit que la pauvre femme frissonnait de la tête aux pieds.

« Certes, reprit-il après un moment de silence, je m’étais fait un bien grand tort, et je le vois maintenant… Je meurs, cependant, je meurs… Dieu me pardonnera, je pense, et pourtant j’ai péché contre lui… Un effort, ma fille !… un effort, ma Sylvia ; ne pourras-tu, toi aussi, me pardonner ? »

Il prêta, pendant un moment, une oreille avide. À travers la fenêtre ouverte, il entendait les vagues sonores qui frappaient les rochers et leur muraille inclinée. Mais d’elle, pas un mot. Seulement, à la longue, un autre soupir d’angoisse passa, frémissant, entre ses lèvres fermées.

« Mon enfant, reprit-il encore, j’ai fait de toi mon idole… Si j’avais ma vie à revivre, je m’efforcerais de moins t’aimer et d’aimer Dieu davantage… S’il en eût été ainsi, je n’aurais pas commis contre toi cette faute énorme… Malgré tout, petite, un mot de tendresse !… Un mot qui m’assure de ton pardon…

— Oh ! Philip, Philip ! » s’écria-t-elle en gémissant, lorsqu’elle se vit adjurer de la sorte.

Puis, relevant la tête, elle ajouta :

« Ces paroles que j’ai prononcées étaient des paroles coupables… Ce serment que j’ai fait, un serment criminel… Le Dieu tout-puissant m’a prise au mot, et si tu savais, Philip,… si tu savais quel châtiment il m’inflige ! »

Il pressa faiblement sa main, il effleura son visage d’une caresse timide ; mais ce qu’elle avait dit ne lui suffisait point.