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l’étouffante chaleur de cette soirée d’été, Sylvia se sentit envahie par un frisson

« Il faut que j’entre là, dit-elle à Kester d’une voix douce… Une fois que les médecins seront sortis, fais en sorte que personne n’y pénètre. »

Ignorant ce qu’elle avait entendu, Kester s’étonna de ces paroles. Il s’étonna également, et bien d’autres avec lui, lorsque, — les médecins venant à sortir suivis de Jeremy Foster, tous plus graves les uns que les autres, — il la vit se glisser dans la maison sans leur adresser une seule parole, sans leur poser la moindre question, pâle, les yeux secs, et comme soulevée de terre, tant ses pas semblaient légers.

À l’intérieur, une obscurité complète, sauf dans le rayon lumineux que projetait autour d’elle une misérable chandelle de suif. La veuve Dawson pleurait, tournant le dos au lit, à son propre lit sur lequel on avait déposé Philip dans le premier moment de trouble, alors qu’on ne savait au juste s’il était vivant ou mort. Tout en pleurant ainsi sans bruit, elle rassemblait les lambeaux de vêtement que les médecins, à grands coups de ciseaux, avaient détachés de ce pauvre corps meurtri. À l’aspect de Sylvia, elle secoua la tête sans prononcer un seul mot.

Le pas de la jeune femme, ce pas si léger, qui lui donnait les allures d’un spectre, fut à l’instant même reconnu par le mourant. Il se tourna aussitôt du côté du mur pour cacher dans l’ombre son visage défiguré.

Mais, sans la voir, il la savait près de lui, agenouillée à côté de sa couche. Sur sa main, engourdie déjà par les approches de la mort, il sentait que des lèvres venaient de se poser. — Aucun des deux, pourtant, ne parlait encore.

Enfin, s’exprimant avec effort et sans retourner la tête :