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sieurs marins, groupés autour de la porte, attendaient avec anxiété la décision des médecins qui examinaient en ce moment les contusions et meurtrissures dont le corps de Philip était couvert. Deux ou trois femmes, en dehors de ce groupe, causaient tout bas à mots pressés.

Quand Sylvia parut, chacun se dérangea pour lui faire place. Ils la regardaient tous avec une certaine sympathie, tempérée cependant par une réflexion quelque peu malveillante. Ne l’avaient-ils pas vue, en effet, vivre à l’aise et dans l’abondance, pendant que son mari mourait de faim sous ce misérable toit ? — Son mari, disons-nous, car l’histoire était déjà connue et tout le monde savait à quoi s’en tenir sur le compte de ce prétendu vagabond que la veuve Dawson avait logé chez elle.

Sylvia comprit ce que leurs regards et leur silence avaient de pénible. Mais que lui importait, à ce moment ? Elle se tourna du côté de Kester, qui put à peine distinguer quelques paroles dans ce qu’elle lui disait d’une voix étouffée. Il comprit, cependant, qu’elle désirait, avant de pénétrer dans le cottage, attendre la sortie des médecins.

Pour l’instant, elle demeurait complètement étrangère au spectacle qu’elle avait sous les yeux. Ni ces gens qui la regardaient, groupés sur la route, ni les roches en talus que battaient encore les flots écumants, ne lui offraient une image nette et distincte, un bruit dont elle eût conscience. Devant ses yeux un brouillard, dans ses oreilles un vague bourdonnement. Et tout à coup, néanmoins, certaines paroles prononcées à l’intérieur de la maison semblèrent percer les murailles et lui arriver sans obstacle ; — c’était l’arrêt de mort de Philip.

Les médecins étaient d’accord ; l’épine dorsale étant brisée, il ne restait plus aucune ressource. Malgré