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ton assistance… Lui à qui elle devra deux fois la vie… et auprès de qui sa femme devrait être déjà.

— Philip ! s’écria Sylvia s’arrêtant court sur le pont… Philip, à la fin !… Philip ! »

Kester, répondant alors à ses questions précipitées, lui expliqua brièvement ce qui s’était passé. Jeremy Foster, que l’enfant accompagnait au retour de sa promenade habituelle, l’avait menée voir les travaux de la route neuve ; ils s’exécutaient alors sur le flanc des rochers dont la base plongeait dans les flots. C’était le temps des grosses marées, et les vagues montaient presque au niveau de cette route encore inégale. Le vieillard n’y voyait pas très-bien, les pas de l’enfant n’étaient pas très-assurés. À un moment donné, — Kester n’en savait pas davantage, — un cri perçant s’était fait entendre, et Kester, rentré chez sa sœur une demi-heure auparavant, s’était élancé au secours.

« Le vieux Jeremy était là, disait-il, comme privé de raison, et penché sur l’eau. Un homme, assis sur les rochers voisins, venait de se lever et arrivait à toute course… Avant que j’eusse pu demander qui c’était, il avait plongé, tête en avant, au sein de ces vagues terribles… Je n’osai le suivre, bien que je devinasse à peu près qu’il s’agissait de Bella… Mais je m’étais avancé à l’extrême bord, et le vieux Jeremy, sur ma demande, me retenait par mes vêtements… Tu vas voir, j’avais mon idée… Je guettais une occasion favorable… En effet, deux bras sortent de l’eau soutenant un pauvre petit être tout ruisselant… C’était Bella !… Je me jette en avant, je la saisis et, grâce au point d’appui que je m’étais assuré, je la ramène saine et sauve… Ce bain-là, je t’en réponds, ne lui fera pas de mal.

— Laisse-moi, laisse-moi, disait Sylvia se débattant sous la main de Kester… Bella ! je veux voir Bella ! »