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C’étaient effectivement ces lettres, entrelacées à la vieille mode et formant un chiffre tout particulier, qui venaient d’attirer l’attention d’Hester. Un Z, un H, initiales de Zachary Hepburn, le père de Philip. Vingt fois elle avait vu cette montre dans les mains de ce dernier ; elle l’y avait vue, notamment, la veille du jour où il avait quitté ses foyers, et, sachant qu’il y attachait une valeur toute spéciale, elle ne pouvait douter qu’il ne l’eût emportée avec lui. Pour ce qui était de la vendre, il n’avait dû s’y résoudre qu’à la dernière extrémité. Où donc alors était Philip ? Par quelles chances de vie ou de mort cet objet si précieux pour lui se trouvait-il de retour à Monkshaven ?

« D’où vous vient ceci ? » demanda-t-elle avec tout le calme qu’il lui fut possible de garder, émue comme elle l’était. Darley n’aurait probablement pas répondu à cette question si toute autre personne la lui eût adressée. Il était assez jaloux des secrets de sa profession, et n’aimait pas à mettre le premier venu dans la confidence de ses petites affaires. Mais, vis-à-vis d’Hester, ce n’était plus le même homme. Il prit la montre, en regarda le numéro gravé à l’intérieur, et aussi le nom du fabricant. Alors seulement il répondit en ces termes :

« Hier, à la nuit, un homme est venu me proposer d’acheter ceci. C’est un objet qui date d’au moins quarante ans, car il y a bien cela que le fabricant, Nathan Gent, est allé rejoindre ses ancêtres… C’était, de son vivant, un bon ouvrier… Aussi ai-je acheté cette montre à celui qui me l’apportait… Acheté à beaux deniers comptants, et pour ce qu’elle vaut, à très-peu de chose près… J’aurais préféré un échange, mais le gaillard n’a pas mordu à l’hameçon… C’était probablement un « meurt-de-faim » comme il y en a tant actuellement.

— Mais qui était-ce ? demanda Hester d’une voix entrecoupée.